Un peu de l'histoire de Belfort

La « trouée de Belfort » située dans une dépression entre les Vosges et le Jura a, depuis fort longtemps, été un lieu de passage très utilisé et une très belle collection d’objets préhistoriques réunis au Musée de Belfort, permet d’affirmer que l’homme s’est installé très tôt en plusieurs endroits de cette contrée.

 

C’est probablement au début du XIIe siècle, que furent bâtis le tout premier Château de Belfort et le mur d’enceinte de la ville par le Comte de Montbéliard. Il en est fait mention en 1226 (Traité de Grandvillars) et en 1307 lorsque Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, ayant besoin d’argent, ses guerres continuelles vidant constamment les caisses, se décide à vendre l’indépendance aux habitants de Belfort, moyennant une somme fort élevée de 1000 livres. La charte exemptait les Bourgeois de Belfort et leurs descendants des corvées et de la taille, les rendaient propriétaires des biens qu’ils détenaient, leur donnait le droit d’élire un Magistrat, sorte de Conseil Municipal composé de neuf bourgeois, chargé d’administrer les affaires civiles et judiciaires de la ville, le seigneur se réservant la nomination du prévôt.

 

C’est également à cette époque que fut construite, à leur frais, la Tour des Bourgeois, (ou aménagée sur les bases d’une ancienne tour cornière) avec un accès direct depuis la ville et quelque peu éloignée du château que se réservait le seigneur, et qui pourrait être considéré comme le « premier Hôtel de Ville de Belfort ». Cette Tour des Bourgeois pouvait aussi servir de dernier refuge en cas d’invasion, comme ce fut le cas en 1375 lorsqu’ Enguerrand de Coucy, après avoir ravagé toute l’Alsace marcha sur Belfort pour la conquérir, sans succès.

Tout le pays fut dévasté sauf Belfort, protégé par ses murailles et son château, les Belfortains ayant trouvé refuge dans la Tour des Bourgeois.

 

Sans entrer dans les détails de l’histoire, Belfort passera du Duché de Bourgogne à la Maison d’Autriche, puis à la puissante famille de Morimont et reviendra à la Maison d’Autriche dans la deuxième moitié du XVIe siècle.

 

C’est en 1636 que Louis de Champagne, Comte de la Suze, assiégea Belfort avec « la plus belle artillerie qu’on ait jamais vu dans le pays » et la prit, pour le compte du Cardinal de Richelieu. Son fils, Gaspard de Champagne, Comte de la Suze et seigneur de Belfort fera réaliser une fortification moderne, pour l’époque, afin de protéger le Château avec la construction d’un couronné composé de deux bastions, d’un demi bastion et d’une demi-lune. Cet ensemble fut appelé par la suite « Couronné du Comte de la Suze ». Pour la ville, il fit réparer l’enceinte, rétablir l’exercice des foires et marchés et réparer les routes et les ponts. Le plan ci-dessus donne une représentation fidèle de Belfort à cette époque.

Un demi siècle plus tard, en 1675, Vauban découvre Belfort. Il nous en laissera une description détaillée dont voici quelques passages :

"Ce n’étoit, cy-devant, qu’une petite villotte de 122 feux fermée d’une très simple muraille, flanquée de quatre ou cinq méchantes tours, appuyée contre le pied d’une montagne escarpée de son costé ; mais qui de son sommet retombe aussitôt vers la campagne ; ……. C’est sur la partie haute de cette areste qu’est situé le château de Belfort ……… la ville n’est fermée que d’un petit mur de cloistre fort mauvais, flanqué de deux ou trois méchantes tours qui ne peuvent servir à sa fortification et le tout environné d’un petit fossé presque comblé….. "

 

Cependant Vauban saura y déceler toute l’importance stratégique de la position géographique de cette petite « villotte », fermant une des portes de la France. En quelques années, de 1687 à 1695 il va faire de Belfort l’une des meilleures places fortes du royaume que nul n’osera attaquer jusqu’en 1813 !

Il doublera la surface de la ville en créant un pentagone protégé par un ensemble bastionné du deuxième système, pratiquement unique au monde, confortera la défense du château en ajoutant un ouvrage à corne et approfondissant les fossés, puis il ajoutera le bastion 20 pour protéger la Tour des Bourgeois.

 

Cependant, déjà en 1698 la fortification à peine terminée, Vauban estime qu’un endroit est particulièrement défavorisé en cas de siège, c’est la partie au Nord Est de la Tour des Bourgeois.

En effet, cette zone pourrait être facilement attaquée depuis la crête rocheuse qui part de la tour des Bourgeois et rejoint la colline des hauteurs de la Justice (appelée à l’époque « hauteurs du Gibet », du nom de sa fonction). Il propose donc de compléter la fortification par un ouvrage à corne

Cette défense supplémentaire ne sera pas construite sous cette forme, et ce n’est qu’après les sièges de 1813 et 1815, que le problème sera sérieusement abordé.

 

C’est son successeur, le Général Haxo, à partir de 1818 qui va réfléchir et mettre en place un complément au système défensif de Belfort.

Après avoir augmenté la défense du Château en complétant le Couronné du Comte de la Suze par un Cavalier casematé et un triple tracé bastionné, il organise la défense du côté de la Tour des Bourgeois en créant la Lunette 18 et de l’ouvrage 69 dans son prolongement, en direction des hauteurs de la Justice.

Ces travaux ont été commencés vers 1825, achevés en 1832, et cet endroit est décrit depuis le XVIIe siècle comme le point stratégique de la défense de Belfort.

Tout cet ensemble, Lunette 18, Ouvrage 69, Bastion 20, Tour des Bourgeois constituent une unité de fortification continue protégeant, du coté Est, l’ensemble du front de la porte de Brisach.

 

Les fortifications de Vauban et du général Haxo au XIXe siècle : cinq fronts constituent la fortification. La Lunette 18 et l’ouvrage 69 font partie du front de la Porte de Brisach, classée monument historique depuis 1923.